Krakow 12... ONNA et le vieil homme aux dix-mille dessins
ONNA signifie (d'après ce que j'ai compris Femme en Japonais)... et je me suis régalé de cette exposition d'estampes et peintures japonaises au musée Narodowe de Cracovie. Complètement par hasard, j'étais en train de lire "le vieil homme aux dix mille dessins- le roman d'Hokusai" dans lequel Audi Fieschi fait parler ce grand peintre... Alors je vous propose une balade entre les oeuvres dans le musée et des extraits du livre. Et puis au milieu, j'y cacherai les peintures érotiques... comme elles étaient cachées dans le musée, derrière des murs sur lesquels des panneaux "interdit aux moins de 18 ans" étaient bien visibles... De plus, au cas où un petit serait entré, les tableaux étaient placés en hauteur... presque si hauts que j'avais du mal à les voir ! (le poids de la religion est réellement tangible partout !)
p 48 « Il me fallait l'admettre : la création est une forme de prise de position et l'artiste ne peut échapper complètement au monde qui l'entoure, à moins de vivre en ermite, ce qui n'était pas mon cas . »
p 61 « Lorsqu'on ne se sent pas enclin à peindre, la meilleure chose est de sortir faire une petite promenade tout seul. Peut être ne découvrira-t-on rien ou peut être trouvera-t-on un morceau de rocher ou une branche morte, ou une petite pièce d'eau ou un bois clairsemé. Ces choses se trouvent là, ignorées de tous. Mais ce sont des morceaux de nature très différents de ce qu'on voit sur les tableaux. On devrait leur jeter un regard froid et précis et essayer de comprendre en quoi consiste la difficulté à définir l'expression de la vie. »
p 130 « (…) je pris le temps de faire quelques croquis de fleurs ou d'insectes que j'isolais du reste du paysage. La fleur, l'insecte ou l'oiseau, lorsqu'on y concentre son attention, sont à eux seuls aussi complexes que n'importe quel paysage. Par ailleurs, je remarquai pour la première fois à quel point ils ont, comme les êtres humains, leurs humeurs. Et la première des difficultés pour le peintre est de transcrire ces humeurs ! »
p 215 « Être jaloux du succès de quelqu'un c'est, d'une certaine façon, avouer sa propre impuissance à faire aussi bien. »
ATTENTION, VERIFIEZ QUE VOUS AVEZ BIEN 18 ans AVANT DE DEROULER LA SUITE ;)
p 180 « Parmi les dessins dont ces étrangers étaient particulièrement friands, on comptait aussi les shunga. Ces dessins érotiques n'étaient en principe pas très bien vus par notre censure, au même titre que tous les dessins qui décrivaient les quartiers de plaisir, mais cela faisait partie des traditions du Japon de rire de ce genre de dessins aux traits toujours outrés et ils étaient très populaires. A d'autres époques, on en offrait même de semblables aux jeunes mariés pour faire leur éducation.
Pour ma part, je trouvais dans leur réalisation une source de revenus complémentaires tout à fait valable et je dessinais les ébats amoureux au même titre que les scènes de guerre. Dans les deux cas importait pour moi la force du mouvement et de la passion ainsi que l'expression du plaisir ou de la douleur, dans la profusion des motifs de robes. Mais les instruments de ce plaisir avaient quelque chose de grotesque et je ne me privais pas de le souligner. Il y avait beaucoup d'amateurs pour ces dessins et ils se vendaient bien. Je n'irais pas jusqu'à dire que je n'ai pas un peu exagéré parfois dans l'exécution de ces dessins et que tous étaient du meilleur goût, mais enfin c'était un peu la loi du genre.
Lorsque les étrangers achetaient des dessins érotiques, ils ne le faisaient jamais ouvertement. Un de mes éditeurs m'expliqua comment ils s'y prenaient pour s'en fournir de façon à brouiller les pistes et cela m'amusa beaucoup. J'appris aussi que leur religion leur interdisait de posséder ou même de regarder ces dessins sous peine de péché et que cela pouvait leur valoir d'aller griller en enfer. Tout ça parce qu'on y voyait des sexes ! Chez nous par le passé, on érigeait même des représentations de sexes masculins qu'on élevait dans certains endroits en hommage à la puissance reproductrice. Et on compte encore aujourd'hui un certain nombre de matsuri qui exhibent de grands phallus lors des fêtes de la fertilité.
Depuis plusieurs années, il est vrai, notre censure aussi voyait ces dessins ou ces livres avec beaucoup moins de bienveillance et alla même jusqu'à les interdire. Et n'ayant aucune envie d'avoir de problèmes avec la police, à partir des premières années de Bunsei, je cessais d'en dessiner. Je laissai ce soin à mon gendre qui lui ne se privait pas d' "exercices pratiques" avant de les reproduire ! »
p 224 « Peindre inlassablement le même sujet permet d'en avoir une compréhension approfondie, d'en pénétrer tous les secrets. »
Textes extraits de
"Le vieil homme aux dix mille dessins" Aude Fieschi chez Picquier poche
"... à quatre-vingt-dix ans, je pénétrerai le mystère des choses.
A cent ans, j'aurai décidément atteint un niveau merveilleux, et à cent dix ans, chaque point, chaque ligne que je tracerai vibrera de vie. Que ceux qui vivent assez longtemps voient si je tiens parole. "
Hokusai