Fabienne Verdier "Passagère du silence"

Publié le par bigoudene46

Je viens d'achever ce livre dans lequel j'ai trouvé énormément de choses passionnantes non seulement dans le domaine de l'art... mais tout simplement  dans le domaine de la vie !

Toutefois je ne peux passer sous silence les sensations que j'ai ressenties en lisant les première pages... Il m'a fallu passer outre cet égocentrisme qui transpire pour poursuivre ma lecture !

Mais je ne regrette pas ! Merci à celui qui me l'a offert !

Pour en savoir plus, voici le lien sur le site de Fabienne Verdier.

 

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« j’ai eu du mal à me faire accepter dans la maison de thé ; à mon entrée, un silence redoutable mettait fin aux conversations : une étrangère allait attirer l’attention des autorités sur leur petit havre de liberté ! Je dérangeais et ne savais comment apprivoiser mes hôtes, leur faire comprendre que je ne voulais surtout pas troubler un lieu où on pouvait respirer sans angoisse. Un jour, j’ai ouvert mon carnet de croquis et je me suis mise à dessiner certains visages qui m’entouraient. Un vieillard, mû par la curiosité, s’est approché et a éclaté de rire en se reconnaissant. C’était gagné ! Le blocage psychique qui leur faisait croire que j’étais un être humain incapable de les comprendre était brisé. J’offris le dessin à mon modèle. Je vus bientôt entourée par les autres. Je parlais assez bien le dialecte local pour baragouiner avec eux, mais ce qu’aucune parole ne serait parvenue à obtenir, quelques traits de crayon y réussirent. »


 «  Les manifestations de la folie, de l’étrange, du bizarre, du naïf, de l’enfantin sont troublantes car elles existent dans ce qui nous entoure. Elles possèdent une personnalité et une saveur propres, une intelligence. Ce sont des humeurs qu’il faut développer. Toi, en tant que peintre, tu dois saisir ces subtilités. Mais l’adresse, l’habileté, la dextérité qui, en Occident, sont souvent considérées comme une qualité, sont un désastre, car on passe à côté de l’essentiel. La maladresse et le raté sont bien plus vivants. »*


Au cours de nos exercices à quatre mains, quand je disais que j’avais perdu la partie, raté mon trait, il éclatait de rire : « le raté n’est pas mauvais du tout. La faiblesse peut même être d’une élégance folle. La maladresse, si elle vient du cœur, est bouleversante. Ce que tu viens de faire là est bouleversant. La maladresse peut même constituer l’esprit du tableau. Si l’expression est sincère, elle habitera forcément l’esprit qui la contemple. (...) »*

 

«  L’esprit possède des possibilités d’excursion infinies ; tu dois t’en servir pour voyager. Il établit des connexions tout seul ; il est de même nature que le nuage qui passe ; le stable n’existe pas pour lui. Suis ses variations sans fin. Il faut accepter nos pensées diverses, même contradictoires. Pour le nourrir, sois attentive à la petite brume du matin, au balancement de la branche dans le vent, à tous les lieux où tu te trouves car les lieux cultivent l’esprit. (...) Nourris ton esprit, pas seulement de connaissances livresques comme tant de gens, mais de la réalité qui t’entoure, de tes songes aussi – entraîne-toi à rêver et à te souvenir de tes rêves une fois éveillée ; à les commander en réfléchissant, juste avant de t’endormir, à ce que tu souhaites que soit leur point de départ -, alors tu verras fonctionner la plus haute qualité de l’esprit qui est de produire des intuitions. Elles fuseront en grand nombre et il te suffira de transcrire cette poésie qui passe dans l’instant. Arrête de cogiter, d’essayer de comprendre ; oublie, oublie, et ton esprit comprendra « subitement » pour toi. »*


"Il faut te nourrir des vies qui t'entourent. Elles provoquent des émotions et des perceptions de plus en plus riches et variées. Le peintre, au cours de son existence, se construit une banque de données psychiques à partir de sa connivence avec le monde. C'est ce qu'il restitue dans son trait"*


 « Méfie toi de tes connaissances. Trop de connaissances tuent la création ; on ne sait plus où donner de la tête ; on est assommé par leur diversité. Quand tu prépares un plat, tu n’utilises que les ingrédients nécessaires ; tu n’iras pas acheter des oignons si tu n’en as que faire. Même chose en art : ne t’intéresse qu’aux connaissances dont tu as besoin pour faire ton omelette. Laisse aux universitaires cette course éperdue vers les connaissances qu’ils ne savent même plus digérer, encore moins régurgiter. Apprends les techniques mais dépasse-les. Il faut que tes traits sur le papier soient empreints de vie, naissent d’eux-mêmes, surtout sans labeur ni relents livresques. »*


« Mademoiselle, on apprend à vivre, à vieillir avec ce que la nature nous a donné, comme à lui, à la naissance (...) Mademoiselle, il faut cultiver le principe de vie qui est en nous. »*


 « J’ai compris que l’extase, qu’elle se crie ou se taise, n’est pas un don du Ciel qu’on attend les bras croisés, mais qu’elle se conquiert, se façonne, et que l’intelligence y a aussi sa part. »


« La qualité d’une œuvre ne tient pas au talent inné de son créateur, même s’il est nécessaire au départ, ce qui n’est pas sûr. La différence réside dans la persévérance, la volonté acharnée de poursuivre. Certains, satisfaits, s’arrêtent en route ; d’autres continuent à chercher jusqu’à ce qu’ils trouvent. D’autres se contentent d’apprendre quelques trucs, fruits de leurs leçons de peinture ou de calligraphie, et croient pouvoir faire illusion. Elle ne dure pas très longtemps. (...) Très vite, je me suis rendu compte en maîtrisant la technique que, pour aller plus loin, je devais m’initier à leur philosophie. Je dois beaucoup à mon maître qui n’a jamais dissocié la peinture de la pensée chinoise et a tenu à m’enseigner les deux parallèlement. »


« Je ne suis qu’une apprentie peintre dans le domaine de l’art. Mes œuvres manquent de la maturité nécessaire. Elles sont trop jeunes, vives comme le cabri dans la montagne, heureux de respirer ! Ce n’est que récemment que j’ai compris le principe interne, l’alchimie qui donne la vie. Pour atteindre cette peinture, plus sublime, plus divine encore, je dois toucher à une vérité intime, indicible. Travailler l’insipide. Rechercher encore l’humilité, la liberté vis-à-vis de la maîtrise acquise. Il faut que je devienne bendan comme on dit en chinois : « idiote » ou « bécasse »... grande théorie des maîtres taoïstes.

 

* : les paroles rapportées des maîtres chinois

 

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P
Un livre que j'ai acheté avec d'autres et n'ai toujours pas lu. Qu'attends je?
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B
<br /> <br /> ben oui, qu'attends tu !!!<br /> <br /> <br /> <br />
M
Ce livre est magnifique, je l'ai lu il y a quelques temps lorsque je m'essayai à la calligraphie chinoise...c'est difficile mais tellement beau!<br /> Ces pages sont une grande leçon de vie à travers les enseignements des maîtres chinois, et un grand voyage dans une Chine insoupçonnées.
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B
<br /> <br /> Oui, je l'ai trouvé très intéressant aussi !<br /> <br /> <br /> <br />